Le projet qui est le nôtre

Dès 1902, la revue a adopté la devise Res non verba : des actes, et non des paroles. Il y a certes là un paradoxe : une revue contient nécessairement des articles, et donc bien des paroles. Pour servir musicalement la liturgie, on ne peut se contenter de faire de la musique : il faut réfléchir à son sujet, examiner, débattre… Bref, la théorie est indispensable, les actes ne peuvent suffire. Mais la théorie n’a de pertinence que si elle naît d’une pratique de qualité, et qu’elle sert à l’approfondir et à l’enrichir. En matière de musique liturgique, combien de fois n’arrive-t-il pas de trouver impressionnantes l’érudition et l’ambition théologique d’un article, avant de découvrir que les musiques qu’il propose pour modèles ne sont que des niaiseries affligeantes ! Bien souvent, les discussions sur le sens de la musique sacrée servent de cache-misère à une pratique déplorable. Aussi le cœur de notre activité consiste-t-il à publier de la musique, pour offrir un exemple de ce que peut être un répertoire de qualité : chaque numéro de la revue s’accompagne de huit à seize pages de partitions.

Nous publions aussi bien des pièces d’orgue que des chants avec accompagnement d’orgue entièrement écrit, ainsi parfois que des polyphonies a capella. Il peut s’agir, soit de pièces anciennes dont nous pensons que nos lecteurs ne les connaissent pas forcément, soit de compositions contemporaines, pour la plupart inédites. Nous veillons à ce qu’il y ait au moins une pièce inédite dans chaque numéro.

Ce choix en faveur de l’orgue, et du chant accompagné à l’orgue, n’implique de notre part aucun rejet de principe des autres styles musicaux. La pertinence liturgique d’une musique doit s’évaluer au cas par cas, nous admettons fort bien que d’autres pratiques que la nôtre soient légitimes. Mais c’est l’orgue liturgique qui est notre domaine de compétence, et notre souci est donc de permettre à cet instrument, et au chant qu’il accompagne, de remplir au mieux leur mission.

Les articles de la revue, quant à eux, visent à approfondir les connaissances et la réflexion associées à cette pratique musicale. On y trouve la présentation détaillée des partitions publiées, des considérations générales sur l’histoire de la musique sacrée, sur l’histoire de l’orgue, des présentations d’instruments, etc. C’est également là que peut s’exprimer le regard que nous portons sur des pratiques différentes de la nôtre. La revue s’efforce d’allier la sympathie à l’esprit critique dans son examen des différents styles de musique liturgique. Les contributeurs peuvent aussi présenter une opinion personnelle, étayée par des arguments, au sujet de tel ou tel usage. Enfin, les usages profanes de l’orgue peuvent également retenir notre attention.

Quand Aloys Kunc créa Musica sacra en 1874, il comblait un manque : les autres revues poursuivant le même but avaient toutes cessé d’exister. De nos jours, il existe plusieurs périodiques consacrés au chant liturgique, ainsi que d’autres consacrés à l’orgue. Nous choisissons néanmoins de poursuivre l’entreprise commencée au dix-neuvième siècle, plutôt que de compter entièrement sur ces revues plus récentes. Nous estimons en effet avoir quelque chose de spécifique à apporter. Nous sommes des organistes, accompagnateurs réguliers de la liturgie, et nourris de la tradition que forment pour nous l’exemple de Gaston Litaize et l’enseignement de Pierre Doury. D’autres traditions existent, et c’est heureux. Mais celle que nous représentons conserve toutes ses vertus, et c’est pourquoi nous voulons continuer à la faire vivre, non en imitant platement nos aînés, mais en travaillant avec des exigences aussi élevées que les leurs.

 

Le public pour lequel nous écrivons

Nos partitions sont destinées à différents usages : l’Eucharistie, la liturgie des heures, des temps de prière non liturgiques, le concert spirituel… Paroisses aussi bien que communautés religieuses peuvent y trouver leur compte.

Les partitions d’orgue n’exigent pas un haut niveau de la part de l’interprète, et sont généralement conçues pour pouvoir rendre service au cours de la liturgie. Elles ont donc le plus souvent un caractère fonctionnel, mais elles visent à présenter un véritable intérêt musical, et demandent à être travaillées : nous ne cherchons pas la facilité à tout prix.

Il en va de même des partitions de chant. Certaines sont destinées à être exécutées en tout ou en partie par une assemblée dominicale, d’autres sont exclusivement destinées à une chorale. Selon les cas, elles présentent différents degrés de complexité. Mais elles exigent toujours, ne serait-ce que pour soutenir l’assemblée, un chœur composé de personnes qui n’ont pas besoin d’avoir un niveau musical bien élevé, mais qui sont prêtes à travailler vraiment la pièce, sous la direction d’un chef qui comprenne cette musique et qui sache la faire répéter. Nous ne proposons pas de la musique « instantanée » que l’on pourrait reprendre après avoir simplement entendu un enregistrement sur Youtube, ni du répertoire « passe-partout » qui serait utilisable quelles que soient les conditions locales.

Tout cela revient à dire que nous nous adressons à des lecteurs dont le niveau peut aller de celui de simple amateur à celui d’expert, mais qui sont disposés à compter sur leur propre discernement pour juger de ce qui, dans notre répertoire, peut convenir au lieu où ils se trouvent, et à mener le travail nécessaire.